top of page

AH AH BIBI

Mise en scène ERWAN DAOUPHARS

J’ai fait l’ENSATT dans la promotion « comédien » de 1992/1993 et y ai rencontré Jean-Marie Binoche qui y assurait les cours de clown et de masques. Ce dernier a eu vent d’une audition pour le remplacement du mime-clown-bruiteur René Bazinet en 1994 au Japon au sein du spectacle Saltimbanco du Cirque du Soleil et m’a incité à présenter ma candidature.

René Bazinet avait 20 ans d’expérience de rue, de cabaret et de cirque. Il avait appris son métier auprès de Philippe Gaulier, de Pierre Byland à l’école de Jaques Lecocq dans les années 80. Au cirque sur une scène de 16 mètres de diamètre son personnage de « grand enfant » développait un monde avec le mime et les bruitages –grâce à un micro HF- et vivait une aventure participative entre le public et les musiciens du spectacle.

 J’ai été choisi pour le remplacer et ai donc, pour ce faire, appris une partition assez exigeante techniquement. Tout juste en sortant de l’école, c'est-à-dire assez jeune, j’ai eu donc la chance d’effectuer in situ un apprentissage difficile sous un chapiteau pouvant accueillir 2500 personnes. 1500 spectacles sur quatre continents différents m’ont permis de me connaître tout en me spécialisant dans une catégorie artistique peu répandue. En cela ma recherche a toujours été liée à trois techniques conjointes : celle du clown, celle du mime et celle du bruiteur.

 

​

​

​

​

​

​

​

​

 

 

 

LE CLOWN

 

Mon cursus classique m’a évidemment aidé à envisager le clown professionnellement. J’avais reçu à la Rue Blanche un solide enseignement de comédien, ce qui constitue le socle de l’art clownesque. Mes années de formation à la Rue Blanche m’ont aussi permis de prendre un peu de distance en resituant ma fonction dans l’histoire de l’art et de pouvoir comparer mon personnage à celui des bateleurs du moyen âge, à Arlequin du théâtre italien, des «fous» du théâtre Elisabéthain ou des figures burlesques du début du cinéma. Je me suis d’ailleurs raccroché au début, à mon expérience de comédien pour faire passer mes lacunes en matière de mime et de bruitage. En effet quand un clown met tout son cœur à mimer et bruiter la réalité, plus il le fait mal et plus c’est drôle.

Mais le clown est plus qu’un instrument de divertissement, il véhicule aussi une philosophie très instructive qui peut se révéler être, aujourd’hui de salubrité publique. Je m’explique, à l’heure actuelle alors que la pression exercée au sein du monde du travail par le climat économique conduise de plus en plus à des tragédies impensables comme les suicides de salariés ou pire de leurs enfants (la 2ème cause  de mortalité des jeunes derrière les accidents de la route), alors que la solitude et le manque d’espoir dans nos sociétés produisent dépressions et maladies, il est un être encore plus seul, plus handicapé, encore moins chanceux que tous qui arrive à transformer la tragédie en fantaisie, les obstacles en enseignements, les problèmes en apprentissages en nous révélant une voie tangible et ludique vers la poésie du quotidien et le miracle d’exister. Il démontre par ses histoires que le bonheur c’est pouvoir naître de soi-même, en se sentant libre et heureux de cheminer vers ses rêves pour les réaliser. Les grands maîtres de l’art clownesque nous démontre par le rire et l’émotion qu’entre la rive du réel et celle de la réalité, entre la rive de notre intimité et celle de l’humanité entière il existe une passerelle où il est possible de progresser en chercheur éclairé. C’est le manque de perception, de préhension de ce chemin et passerelle qui crée la solitude et le malheur. Le clown offre un lien concret et libérateur entre tous nos handicaps –pudeur, manque de confiance, recherche de sens, manque de créativité, d’amour et en général tout ce qui limite une pleine réalisation de soi-même- et la dite normalité qui nous entoure.

​​

​

​

​

​

​

​

​

​​

​

​

​

​

​

LE MIME

 

 L’art du mime est aussi ancien que l’art du clown. Les représentations théâtrales du monde antique - hellénique et romaine – l’utilisait autant d’une manière sacrée dans les célébrations religieuses que profane dans la rue pour parodier la vie quotidienne. En France il s’est a nouveau fortement développé au 19ème siècle sous l’Empire car les scènes dialoguées avaient un temps été interdites par décret dans les théâtre dits « du boulevard ». Le mime Deburau y a tiré toute sa célébrité (cf. Les enfants du Paradis).

Le mime éveille également la créativité des spectateurs en faisant travailler son imagination -ce qui n’est pas un luxe considérant les heures passées devant la télévision de nos concitoyens et définit un monde entre la réalité et l’imaginaire où l’impossible paraît proscris. Une façon de définir notre monde d’une manière ludique et participative. Le théâtre est le lieu de la relation.

Aussi le 20ème siècle a vu éclore un mime merveilleux en la personne de Marcel Marceau. Il a pérennisé dans l’hexagone et à l’étranger une tradition culturelle. Ses pantomimes ont voyagé partout et ont représenté une idée valorisante d’une poésie, d’un romantisme, d’une excellence « à la française ». Sans décor, sur un plateau nu, un petit bonhomme crée un monde où l’invisible devient cour de récréation

​

​

​

​

​

​

​

​

​​

​

​

​

 

LE THEATRE PARTICIPATIF

 

La différence avec lui c’est que je fais participer les gens du public. A mon avis la personne qui joue avec moi sur scène est le meilleur représentant clownesque qui m’ai été donné d’observer. Et si c’est un enfant, cette valeur s’accroît encore d’avantage.

Je m’explique. Il est comme le clown, propulsé sur scène par accident puisque en l’invitant à me rejoindre ou le prenant par la main il passe d’une minute à une autre, du statut de spectateur, à celui d’acteur. Il est innocent car normalement (et j’essaye de le choisir comme tel) il ne sait pas ce qui va se passer et n’a dans la grande majorité des cas, jamais vécu cette expérience. Il est « bête » car ne connaît aucun code d’expression spécifique à cet art scénique et doit s’en remettre à moi complètement pour exister. Il est courageux car il brave la peur du jugement et de la moquerie dans l’exercice d’un apprentissage reconnu exceptionnellement difficile : faire rire un public. Il est perçu enfin comme un héros car sans être professionnel, en partant du public il a mis sur un pied d’estale l’innocence, la bêtise (et quand elle est couplée avec l’innocence elle libère un charme) et le courage (qui a la même racine étymologique que le mot cœur) au service d’un bien commun : le rire ! En cela, il constitue pour moi comme pour le public un professeur rare et une source d’exemplarité.

​

LE BRUITAGE

 

Le bruitage sur scène a, lui, que je sache toujours été associé au mime et au clown, il permet d’illustrer des sentiments, des pensées d’une manière aussi universelle qu’instinctive. Il constitue aussi  un vrai vecteur comique en alliant une certaine animalité à une façon originale de définir le monde. Il a été développé comme technique d’expression à la télévision ou sur les plateaux de théâtres grâce à des personnalités bien particulières comme Jerry Lewis aux Etats-Unis, Les Monthy Pithons ou Benny Hill en Angleterre, Michel Courtemanche au Québec ces dernières années ou les Ombilical Brothers aujourd’hui.. Aussi le développement technique des moyens de production et de diffusion du son en fixe dans les théâtres ou mobile dans la rue a considérablement favorisé l’essor de cette technique.

 

 

CONCLUSION DU PROLOGUE

 

En définitive je dirais que, combinées, ces trois techniques permettent un mariage surprenant et très persuasif entre la comédie dans son sens le plus large, la danse – je définirais même l’art du mime comme de «la danse théâtre»- et la musique – beaucoup de bruiteurs peuvent imiter les instruments de musique, les animaux, éléments naturels, et le son des objets.

Elles défendent  un métissage entre la rue, le cirque et le théâtre, voire l’opéra ou la ballet –j’ai donné mon spectacle ou des extraits de celui-ci dans des lieux aussi divers et hétéroclites qu’un camp de réfugiés au Soudan ou l’opéra de Sydney- ; permet un carrefour de rencontres culturels en effaçant le barrage de la langue ; constitue un vecteur de mixité sociale également –un patron peut tout autant rire des facéties de mon personnage qu’un ouvrier manutentionnaire assis à ses côtés – et touche tous les âges car il part de l’enfance. En faisant participer le public, je donne l’attention sur les qualités humaines des gens et non en premier lieu sur les exploits d’un artiste. Je pense comme Robert Lepage «qu’on peut tous être géniaux, il suffit juste d’inviter le génie» et veut utiliser ma profession comme une plateforme d’expression libératrice.

Compagnie de la Liberté

00 33 + (0) 7 69 18 81 97

© 2023 Compagnie de la Liberté.

Association Loi 1901.  -  N° SIRET : 81910872100039   -  APE : 9001Z   -  Licences n°2-2022005779 n°3-2022005776    RNA :W442016435 

bottom of page